Comment la microfinance crée des opportunités et de la dignité en Haïti
Il en faut beaucoup pour m’ébranler. J’ai voyagé et vécu dans des endroits où la pauvreté dépouille les êtres humains de leur dignité. Je me suis toujours investie et j’ai trouvé mon rôle dans la promotion du changement. Mais Haïti a tout changé.
Début juillet, je me suis rendue en Haïti en tant que nouvelle employée de FINCA Canada. Le but de ma visite était de découvrir nos programmes de microfinance et de rencontrer plusieurs clients de FINCA qui ont amélioré leur vie grâce aux petits prêts de FINCA.
En traversant Port-au-Prince, j’ai été profondément bouleversé. La pauvreté brute qui règne dans la capitale haïtienne est sans commune mesure avec ce que j’ai pu voir jusqu’à présent. Les bouteilles en plastique et les récipients à emporter bordent les routes et remplissent les égouts et les ruisseaux qui zigzaguent à travers la ville. Des cochons, des chiens et des chèvres hantent les tas d’ordures et les ruelles de la ville. Les décombres des tremblements de terre et des ouragans jonchent encore les rues et de nombreux bâtiments sont en ruine. Les tempêtes provoquent régulièrement des inondations qui remplissent les maisons, les magasins et les routes d’eau et de déchets. Ce qui, par le passé, m’avait poussé à l’activisme m’a au contraire laissé un sentiment d’engourdissement.
Comment peuvent-ils, moi, vous ou n’importe qui d’autre, s’épanouir face à tant d’obstacles ?
Heureusement, ma visite auprès des clients et du personnel de FINCA en Haïti m’a sorti de mon engourdissement. Leur capacité à construire et à développer leurs petites entreprises et à subvenir aux besoins de leurs familles m’a rappelé qu’un effort persistant, combiné à la saisie d’opportunités, est source de changement.
Voici quelques-unes de leurs histoires inspirantes.
Gertha
À l’extérieur de Jacmel, j’ai rencontré Gertha Simon. Elle a deux enfants de 15 et 20 ans et dirige une entreprise de cosmétiques. Elle est également l’un des membres fondateurs de la banque de son village.
Le groupe initial, qui compte aujourd’hui 12 membres, s’est réuni par solidarité il y a plus de sept ans. Elles ont baptisé leur groupe Solidarité Fanm(fanm signifie “femme” en créole haïtien). Le groupe emprunte une certaine somme d’argent à FINCA et décide collectivement des membres qui recevront une partie de ce prêt. Ils doivent tous vivre à moins de 10 minutes les uns des autres et recevoir une formation sur les pratiques commerciales efficaces.
Le groupe de Gerta a reçu 11 prêts depuis sa création. Lorsque je lui ai demandé comment sa vie avait changé, son visage s’est illuminé de fierté. Grâce aux prêts accordés par FINCA, Gerta a développé son entreprise de cosmétiques au point de pouvoir envoyer ses enfants à l’université. Elle espère qu’ils seront un jour avocats ou médecins.
Louisena
Le lendemain, j’ai rencontré Louisena Toussaint. Mère de quatre jeunes enfants, Louisena tient un petit magasin d’alimentation.
Lorsque j’ai demandé à Louisena ce qu’elle avait personnellement reçu de sa réussite professionnelle, elle a semblé déconcertée par l’accent mis sur elle-même. “Je fais tout pour mes enfants”, insiste-t-elle. “Tout ce que je fais, c’est pour qu’ils aient une vie meilleure que la mienne.
Grâce à la croissance de son entreprise, elle peut également se permettre de reprendre ses études à temps partiel. Lorsque je lui ai fait remarquer que gérer une entreprise, élever quatre jeunes enfants et être étudiante n’était pas une mince affaire, elle a secoué la tête et m’a répondu : “J’ai de la chance. La sécurité financière est synonyme de liberté et de tranquillité d’esprit”.
Elle est également trésorière de la banque de son village. Louisena s’est révélée être une grande dirigeante lors de la réunion de la Banque villageoise à laquelle j’ai assisté. Elle a continuellement encouragé ses dix membres à poser des questions, à s’engager et à se soutenir mutuellement. La solidarité du groupe m’a rappelé qu’une personne peut faire une énorme différence dans la vie de beaucoup d’autres, que les petits actes de compassion ont une portée considérable et un impact durable.
La valeur d’une femme
Deux mois après mon entrée en fonction à FINCA Canada, les photos de ces deux femmes, Gertha et Louisena, sont affichées dans mon bureau, ici à Ottawa. Ils me rappellent que j’ai moi aussi un rôle à jouer dans la lutte contre la pauvreté en Haïti. J’ai augmenté mon don mensuel parce que je sais qu’il faut que les choses changent tout de suite. J’ai également l’occasion de parler avec d’autres donateurs canadiens de l’immense pouvoir qu’a un petit prêt de changer non seulement la vie d’une personne aujourd’hui, mais aussi l’avenir de toute une famille.
Moi aussi, je suis béni. Parce que ces femmes m’ont appris que l’accès aux opportunités – la possibilité de créer leur petite entreprise – est un catalyseur qui rappelle à une personne sa valeur. À mesure que chaque femme d’Haïti retrouve sa dignité, nous sommes tous plus forts.